Vers une déontologie Anonymous

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Quasi-transparence des activités dans les sphères d’influence, quasi-opacité pour les particuliers. Voilà pour résumer l’ état d’esprit de la plupart des acteurs anons du moment.

Il est évident qu’il nous faudrait repenser, redéfinir ce que nous désignons de la sphère privée au regard des technologies actuelles (nous pensons aux réseaux sociaux, par exemple), de la sphère publique, ou encore de la sphère professionnelle, de la sphère non professionnelle (etc.), et cette redéfinition passe sans doute par l’utilisation de cette idée de champ de possibilité de l’ épanouissement individuel. Car c’est là l’ enjeu de la protection de la vie privée, peu importe comment on la nomme et comment on la borne.

Toutefois, il y a des contre-exemples de cette protection de la vie privée par les anons. Malheureusement, des dérives ont déjà eu lieu. Parlons de quelques-unes, même si cela ne fait pas plaisir à entendre.
Il existait (nous parlons au passé, car cette pratique semble de plus en plus rarissime, voir complètement caduque) une pratique au sein d’ anon qui consistait à doxer d’autres anons, c’est-à-dire à publier des informations personnelles sur la toile (sur une page internet, sur un pad….). Cela se produisait généralement suite à un désaccord, à des disputes, bref à des gamineries pitoyables qui se traduisaient par la grande lâcheté de publier ces informations et donc de détruire l’anonymat d’un anon. Détruire l’anonymat d’un anon revient à l’ exclure, et l’ exclusion d’un anon par un autre revient à induire une autorité anon, pour le coup une autorité illégitime et barbare. C’ est là la loi du plus fort (loi du plus fort par l’information en sa possession), or la loi du plus fort est indéfendable. On est là dans la pure contradiction : des gens qui défendent la vie privée et l’anonymat s’autorisent à détruire l’anonymat et à nuire la vie privée d’un anon. C’ est comme si on voulait défendre l’abolition de la peine de mort à coup de guillotine. Ridicule, et surtout catastrophique, car en fin de compte, un anon doxé peut avoir de graves ennuis, par forcément avec les autorités (car contrairement à ce qu’on croit, beaucoup d’anons actifs dans les pays démocratiques  respectent à la lettre les lois et n’ont rien à se reprocher), mais avec leur famille, avec leur patron qui voit peut-être d’un mauvais œil que son salarié soit hacktiviste… Un dox peut détruire une vie, qu’ on le sache. De plus, des arrestations ont dernièrement eu lieu grâce à des dox entre anons, c’est, là, toute l’ironie du sort, et ça devrait nous faire réfléchir par deux fois.

Il y a tout aussi lamentable que le dox entre anons, c’est le dox sur des particuliers. Il y a quelques mois, des policiers pris au hasard ont vu leurs identités, adresses, numéros de téléphone et autres informations, publié sur le net par des anons englués dans un pseudo délire de représaille. Encore une fois, où est la cohérence ? Pourquoi s’attaquer lâchement à des particuliers (car les flics sont d’abord des individus que l’on doit défendre) ? C’est lâche, profondément immature, en contradiction totale avec cet esprit de la défense de la vie privée. Diffusion d’ activités frauduleuses au sein de la police, oui Anonymous joue son rôle, cela entre dans sa lutte, mais la diffusion d’informations de données personnelles des policiers pris au hasard, non, c’ est incohérent. Comment peut-on ensuite expliquer à la population qu’ on se bat pour eux après ce type d’opération ?

On retrouve la même situation dans les opérations contre la pédophilie (voir le numéro 3 précédent de VoX qui développe ce sujet). Sous prétexte d’une lutte contre la pédophilie (qui en soi est tout à fait légitime), des anons publient des listes de personnes qu’ils ont identifiées comme délinquants sexuels. Mis à part le fait que cela court-circuite les procédures en cours, c’est prendre le risque d’accuser un innocent de pédophilie sur la place publique. Ça s’ appelle du lynchage, c’ est, là, la possibilité de détruire des familles, de détruire des vies. Bien sûr, les anons qui pratiquent ces opérations vous diront : « on est sûr de sa culpabilité à 99% ». Et le 1% restant alors ? Le 1% ne suffirait-il pas, par précaution, à abandonner de telles pratiques périlleuses ? Et comment les anons peuvent-ils s’ octroyer le pouvoir de jugement, la légitimité à dresser une culpabilité ? Les anons ne sont pas des justiciers au-dessus de tout et qui fixent des jugements.

Contre ces dérives, il est nécessaire de sensibiliser les anons à ne pas franchir certaines limites. Anonymous s’ attaque aux sphères d’influence, aux activités de ces sphères, mais ne doit pas s’ attaquer aux particuliers. C’est d’ ailleurs pour cette raison que Facebook, qui pourtant ne vole pas haut dans le cœur des anons, ne sera jamais attaqué, car s’ en prendre aux réseaux sociaux, c’ est s’ attaquer à ses utilisateurs, aux particuliers, entraver la vie privée.

Anonymous n’ a pas de chef, pas de règle stricto sensu, c’ est une nébuleuse aux mouvances diverses et autonomes, néanmoins Anonymous peut tout de même se doter d’une forme de déontologie. Elle est toute simple, et la plupart des anons la pratiquent déjà, parfois sans en avoir conscience :

  • On ne s’attaque pas aux médias quels qu’ils soient.
  • On ne s’attaque pas à des particuliers quels qu’ils soient (à moins que ce soit des blagues sympathiques et que ce ne sont pas des outrages à sa dignité. Ne soyons pas non plus coincé du cul ! ).
  • On ne met en péril l’anonymat ou la vie privée des anons ou des non anons.
  • On ne censure pas.

Ce sont des principes très simples, qui sont déjà partagés par la majorité des anons. Nous ne faisons là que les formuler.
Voilà donc la proposition que nous faisons au terme de cet article sur la transparence et l’opacité, article qui demeure un simple essai, pas plus.

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