Milgram

L’absence de chef parmi les Anonymous

illustrée par l’expérience de Milgram

La philosophie de vie hacker se définit notamment par le refus de toute autorité, c’est donc en toute logique qu’Anonymous a également adopté ce point de vue : chefs, leaders, présidents ou directeurs, il n’en existe pas. Une hiérarchie dans les rangs des anons ? Oubliez ça, Anonymous refuse de s’organiser autour de ces niveaux d’autorité.

Si l’autorité et ses représentants ont peut-être l’avantage d’organiser la société, les entreprises et autres institutions humaines, l’histoire et de nombreuses expériences prouvent également que l’autorité et la sou-mission aveugle peuvent avoir des conséquences terrifiantes, voire meurtrières.

« Shock box » Dispositif envoyant les décharges à Bob

 

L’expérience de Milgram

 

L’expérience de Milgram réalisée entre 1960 et 1963, vise à comprendre ce phénomène de soumission à l’autorité et les conséquences qui en découlent. L’objectif de Milgram était de comprendre comment, durant la Seconde Guerre mondiale, des gens normaux avaient pu obéir à des ordres monstrueux (dans les camps, notamment). Milgram procède ainsi :

Le sujet testé, appelons-le Georges, pense participer à une expérience sur la mémoire en compagnie d’un partenaire lui étant également présenté comme sujet, nommons-le Bob. En laboratoire, un scientifique reste présent pour conduire l’expérience qui se présente ainsi : Georges fait apprendre une liste de mots à Bob et le questionne ensuite pour vérifier qu’il a bien appris. Les deux sujets sont séparés physiquement, mais reliés à un dispositif électrique. À chaque fois que Bob fera une erreur dans son test de mémoire, Georges devra le punir d’une décharge. Cette décharge sera de plus en plus grande, le dispositif permettant d’envoyer assez d’électricité pour tuer Bob.

Bob, notre sujet électrocuté, n’a pas une brillante mémoire et se trompe souvent. Au bout d’un certain nombre de déchar-ges, Georges peut l’entendre crier.

Georges râle, s’inquiète auprès du scientifique de la bonne santé de Bob. Le scientifique, à toutes ces interrogations, se contente de lui dire de façon neutre : « il faut continuer l’expérience ».

Georges continue le test, appuyant sur le dispositif malgré l’indication claire du danger de mort pour Bob, obéissant au scientifique, certes sans plaisir, mais obéissant quand même. Après un bon nombre de décharges, Bob ne répond plus, ce qui suppose qu’il est dans un sale état, voire mort.

« Georges » envoyant des décharges

Car oui, Georges obéira à l’expérience et enverra des décharges jusqu’à la mort de Bob, sans même que le scientifique n’ait à le menacer de continuer. Toujours en se contentant de répéter comme un robot « il faut continuer l’expérience » et en affichant clairement sa blouse blanche de scientifique, donc de l’autorité en ce lieu, il arrivera à faire tuer Bob par Georges sans nulle autre pression que son unique présence en tant qu’autorité.

Georges n’est pas un crétin. Georges est lui-même scientifique, intellectuel, pro-fesseur. Georges peut être patron, élève, ouvrier, cadre ou commerçant.

Mais Georges, quelque que soit sa culture, son milieu, obéira à l’autorité, même si cette autorité lui demande de tuer. Et cela sans menace, sans torture, juste avec l’apparat de la blouse blanche et du labo.

Quant à Bob, rassurez-vous, il est acteur et n’a subi aucune décharge électrique dans aucune expérience.

Quelques statistiques

Plus de 60 % des personnes testées administrent un choc électrique mortel à Bob simplement parce qu’on le leur a ordonné (sans menaces). Selon certaines conditions d’expérience (si un pair administre les chocs, par exemple), on obtient des scores de 92.5%.

Beaucoup se rebellent dans leur discours, mais au final continuent tout de même d’administrer les chocs. Très peu ont le courage de désobéir et de quitter l’expérience, même si l’on constate sur le visage des « Georges » que la situation vécue est insupportable pour leur conscience.

Le jeu de la mort Zone Xtreme

Récemment, l’expérience de Milgram a été reprise et transposée sur un plateau de télévision (photo ci-contre). Le protocole est presque le même :

Le scientifique est remplacé par une animatrice, il y a un public, on est sur un plateau TV. Il n’y a rien à gagner, le jeu est présenté au sujet « Georges » comme une émission test (donc pas même susceptible de passer à la TV). Ce faux jeu consiste en un test de mémoire où toute erreur est sanctionnée par une décharge électrique exponentielle.

On peut s’imaginer qu’un scientifique peut avoir plus d’autorité. Après tout, quand il s’agit de science, on devrait être plus enclin à obéir. Et puis, la science c’est un truc important, qui fait avancer le monde, bref, ils doivent avoir des raisons ces scientifiques… Donc, les arguments à l’obéissance peuvent être nombreux. La télévision, les jeux, c’est futile, ça n’a rien d’important, et on pourrait croire qu’il est facile de renoncer à suivre des requêtes dangereuses.

Foutaises !

Le taux d’obéissance est de 81 % sur un plateau TV…

« Bob » de la zone Xtreme

 

 Et les sujets « Georges », qu’en disent-ils ?

 

 

Le « Je savais que c’était faux » revient souvent. Déni ? Comment peut-on leur reprocher de se mentir à eux-mêmes ? Après tout, quelle conscience accepterait de porter à la fois le poids de l’humiliation d’être soumis, manipulable à souhait et d’être potentiellement capable de torturer si une vulgaire animatrice TV le lui ordonnait ?

L’expérience ne leur a rien appris, et ils reproduiront sans doute les mêmes tortures, sous les ordres d’une autorité quelconque, dans un contexte réel.

« Merci » : dans l’expérience originale de Milgram, un de ces sujets « tueurs » avait remercié l’équipe de Milgram pour l’enseignement que ce douloureux moment lui avait appris. Il était enfin vacciné contre la soumission aveugle, il avait enfin compris l’importance du

« Non ! » en expérimentant de façon factice les situations où la désobéissance est primordiale.

C’est la réaction la plus saine que l’on peut avoir face à cette expérience. Voir en face ce dont on a pu être capable et en tirer les enseignements, c’est-à-dire rester maître de ce que l’on souhaite vraiment et ne pas se perdre dans des contextes d’autorités.

« Moi, jamais je ne me ferai avoir ! »

J’avoue que vous avez déjà un avantage : vous êtes à présent familier (si vous ne l’étiez pas auparavant) avec cette vilaine « soumission à l’autorité », vous savez qu’elle est dangereuse et qu’elle peut se situer dans des contextes que l’on n’imagine pas (comme à la télévision par exemple).

Cela dit, le : « moi jamais ça ne m’arrivera » est clairement un indicateur du potentiel à être manipulé, car cet individu-là ne reste pas sur ses gardes et n’accepte pas de douter de ses propres capacités de « résistance ». Quelqu’un de sûr de lui n’est pas alerté, ne se méfie pas de ses propres comportements de soumission dangereux, forcément, il se croit à l’abri, et c’est à ce moment précis qu’il se fait piéger. Le fait de douter et de dire que ça peut nous arriver permet de garder les yeux ouverts et de se réveiller sainement s’il y a situation de manipulation.

On voit donc au travers de cette expérience, tout l’intérêt d’absence d’autorité si chère aux hackers et à Anonymous : les Georges-Anonymous restent non seulement maîtres de leurs convictions et ne se font pas imposer des idées provenant d’un individu tout puissant qui pourrait être potentiellement dangereux. Chacun se sent responsable et responsabilisé.

En savoir + :

 Expérience de Milgram :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Milgram

http://www.psychologie-sociale.com/index.php?option=com_content&task=view&id=60&Itemid=2

 

Le jeu de la mort :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Jeu_de_la_mort_%28documentaire%29

15 réflexions au sujet de « Milgram »

  1. Bonjour,

    Je ne pense pas que seule la présence d’une « autorité » puisse être prise en compte dans ce test qui, je l’avoue, semble être prouvé.

    Un individu n’acceptant pas la souffrance d’autrui ou refusant sciemment ‘infliger des douleurs à un autre ne peut, de son chef, puisque c’est bien l’idée première du test, infliger la mort à un autre individu.
    Il y a en nous tous une part de « violence », parfois cachée, d’autres fois exhibée, se manifestant chez certains rapidement, chez d’autres très rarement.

    Je reste cependant curieux de connaitre la population utilisée pour effectuer ce/ces test(s), car avouons le, le résultat ne doit pas réellement être le même entre un sujet passionné de jeu de guerre, film d’horreurs, repris de justice et né dans un quartier « difficile » et un sujet terrifié par la moindre goutte de sang, élevé dans la Foi (Je ne cite volontairement pas de religion, de manière à rester neutre), offrant corps et âme dans les associations caritatives.

    Je ne remets pas en cause la nécessité ou non de la hiérarchie (Je possède d’ailleurs mon propre avis à cet égard), mais je pense que le panel testé est un échantillon naturellement enclin à la violence/souffrance, ce qui rend les chiffres si élevés.

    • « le panel testé est un échantillon naturellement enclin à la violence/souffrance, ce qui rend les chiffres si élevés » L’expérience de Milgram a été testé sur tous genres de panels, et quels que soient les comportements, les personnalités, les croyances, les chiffres sont toujours extrêmement élevés. Les chiffres les plus élevés se retrouvent dans les contexte de travail, ou la soumission est d’autant plus forte. Il n’est pas question d’être naturellement enclin à la souffrance ou la violence (pourriez vous définir, d’ailleurs, car je ne vois pas de quoi vous parlez?), ici, mais plutôt d’acceptation de la soumission ou l’impossibilité de se rebeller. On repère néanmoins que les individus ayant  » du vécu » arrivent pour certains à quitter l’expérience avant la limite mortelle .

  2. Pour moi cette expérience ne prouve qu’une chose:
    – L’être humain, autorité ou pas, reste un animal. Je m’explique. Si vous transposez cette expérience dans la vie de tout les jours, on voit combien les gens se plie aux contraintes de la vie, de l’autorité ( comme vous le dites) mais aussi de leurs familles ou de leurs cultures. En effet les gens, vivant dans une société structuré à souhait ( Allemagne Nazi, URSS pour les pires exemple de l’Histoire ou Japon …) ou vivant dans un système anarchique ( Punk, Brigade Rouge, divers commando de tout poil), ont une tendance certaine à vouloir survivre. Cette survie fait ressortir notre « instinct animal ».
    Ce que prouve cette expérience n’est pas qu’une autorité est mauvaise en soi, ce qu’elle prouve c’est que l’être humain a un instinct de survie et qu’il est sacrément moche car il est capable de tuer pour ne pas se retrouver dans la situation de l’autre en face.
    Elle démontre à mon sens que les autres ont le pouvoir qu’on veut bien leur donner, ce qui explique que les gens qui ont du « vécu » soit moins dupe du test.
    L’autorité, à mon sens, et je pense qu’un paquet de philosophe pourraient mieux illustrer ces propos par des citations qui feraient bien (lol), est à mon sens nécessaire dans une organisation quelle qu’elle soit pour une simple et bonne raison sans autorité c’est du  » chacun pour soi et Dieu pour tous « .
    Mais je vous rejoins dans le sens où l’excès d’autorité est contre productif. Comme partout, l’excès n’est pas une bonne chose.

    Je me demande donc pourquoi l’anarchie vous semble la plus raisonnable des sociétés, car n’est-elle pas la Loi du plus fort ?

  3. « Je me demande donc pourquoi l’anarchie vous semble la plus raisonnable des sociétés » ; Tu parles de l’équipe de VoX ou des Anons ? enfin dans un cas comme dans l’autre, aucun ne déclare cette affirmation au nom de son mouvement.

  4. Bonjour

    Il y a une autre chose qu’il faut voir, c’est que ces tests se font graduellement. On ne demande pas aux « cobayes » de tuer la personne d’en face, on leur demande de leur envoyer des décharges électriques, très faible au début. Dans ce cas là, la majorité (pour ne pas dire la totalité) des gens, sachant qu’il n’y a aucun risque, participe volontiers à l’expérience. Puis c’est là que ça se corse parce qu’on augmente la dose et inconsciemment on se dit : « ça n’a rien fait avant alors pourquoi un petit peu plus changerait quelque chose ? » De cette manière la limite imposé par notre conscience devient flou et va même jusqu’à disparaître dans certain cas. Si on leur avaient directement posé un pistolet sur la table en leur demandant d’abattre l’autre personne ça n’aurait jamais marché.

    Pour pouvoir faire face à ce genre de situation il faut donc arriver à comprendre qu’on passe à une autre étape. Ce qui dans la vie de tous les jours n’est pas aussi claire qu’une série d’interrupteurs… Et d’autre part se demander si on a pas déjà dépassé les bornes.

    L’autorité a du bon et du mauvais. Il en faut un petit peu. Je suis père de 2 enfants et je peux vous dire que si je ne jouais pas les dictateurs par moment ça serait le « carnage » ! Cependant lorsqu’on comprends les notions de respect, de liberté et d’égalité, la nécessité d’autorité disparaît. La liberté c’est la possibilité de choisir, l’égalité c’est le fait que chacun puisse choisir les mêmes choses et enfin le respect c’est le fait de ne pas faire un choix qui pourrait priver (donc détruire l’égalité) une autre personne de ce même choix.

    L’anarchie n’est pas la loi du plus fort, puisque par définition c’est l’absence de pouvoir d’une personne sur une autre. Ce qui colle avec l’explication que j’ai donné au dessus. Personnellement je trouve que c’est la meilleure des solutions.

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